Les monarchies du Golfe jouent avec le feu en Syrie par Pierre Barbancey

Principaux alliés des Occidentaux dans la région, les États pétroliers du golfe Persique surfent sur la répression
sanglante du régime syrien et encouragent les formations islamistes au risque d’un affrontement confessionnel.

«Désormais, tout dialogue sur ce qui se passe est vain. » Voilà ce que pense le roi Abdallah d’Arabie saoudite à propos de la situation en Syrie. Il l’a dit au président russe, Dmitri Medvedev. Une phrase en forme de déclaration de guerre. Riyad (tout comme Doha) n’a jamais vraiment cherché une solution pacifique et s’appuie sur l’horrible et sanglante répression du régime, notamment à Homs, pour pousser ses pions. Les pays du Golfe, par le biais de leur Conseil de coopération, ont tenté d’instrumentaliser la Ligue arabe et, quand le rapport des observateurs dépêchés en Syrie n’allait pas dans le sens de leurs visées, ils mettaient sous le boisseau les observations faites et sabordaient la mission sous les prétextes les plus fallacieux.

Hasard, l’Arabie saoudite et le Qatar sont les plus fervents soutiens – financiers et militaires – des mouvements islamistes et salafistes dans le monde, particulièrement en Syrie où ces groupes armés sont présents, entrés par le Liban (où certains reçoivent l’aide des Phalanges chrétiennes), la Turquie (qui héberge l’Armée libre syrienne), l’Irak (comme vient de le dénoncer le gouvernement de Bagdad) et très certainement par la Jordanie.

Déstabilisation d’une puissance proche de l’Iran

Que des États théocratiques recherchent les affrontements confessionnels, cela n’a rien de surprenant. C’est le tournant qu’ils essaient de faire prendre à la révolte du peuple syrien, avec tous les dangers que cela comporte mais certainement recherchés : déstabilisation d’une puissance proche de l’Iran et possible éclatement d’une nation en entités ethniques et religieuses.

À cet égard, l’annonce faite par le Conseil national syrien (CNS) est inquiétante et marque l’influence qu’ont les Frères musulmans à l’intérieur de ce mouvement. Le CNS appelle « les amis de la Syrie à prendre des mesures supplémentaires pour la sauvegarde du peuple syrien en créant des zones sécurisées dans les régions frontalières et en protégeant les réfugiés qui viennent y chercher refuge », et estime qu’une intervention militaire pourrait être la « seule option » pour mettre un terme à la répression. Ce que refuse Haytham Manna, au nom du Comité national de coordination pour le changement démocratique (CNCD), qui a fait savoir à l’Humanité : « Nous sommes contre toute intervention étrangère militaire en Syrie. »

Un CNS dont l’attitude est dénoncée par de nombreux opposants. Un « Bloc national démocratique syrien » vient de voir le jour, créé par un « groupe de citoyens syriens de toutes tendances politiques et sociales confondues », comme l’explique Hassan Faraj, l’un de ses porte-parole. « Nous ne prétendons pas être la représentation de la révolte de notre peuple mais plutôt un élément actif de son soulèvement », dit-il. Il ajoute, à propos du CNS : « Il n’a pas réussi à réunir les forces politiques de l’opposition et les forces révolutionnaires syriennes avec un programme politique commun sur la sortie de la crise. » Ce Bloc se prononce également contre « toute intervention militaire étrangère ».

En attendant, le CNS appelle les participants à la Conférence des amis de la Syrie, qui doit s’ouvrir vendredi à Tunis, « à ne pas empêcher les pays (qui le veulent) d’aider l’opposition syrienne en envoyant des conseillers militaires, en entraînant (les rebelles), en leur fournissant des armes pour se défendre ».

Pierre Barbancey